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  • adeuxpourdieu

Semaine 2 : La tactique des petits pas

Itinéraire : Source-Seine => Tournus (115 km)

 

"Elles ne savaient pas que c'était impossible, alors elles l'ont fait.

Et du coup elles se sont blessées. Parce que c'était effectivement impossible. Et aussi dangereux, accessoirement..."


Partir sitôt relevée de sa convalescence Covid, avec l'entraînement limité qu'induit un confinement préalable : voilà une témérité coûteuse quand on s'apprête à endurer la marche, sac au dos, des jours durant. Rien de nouveau pour Faustine, éduquée dès le plus jeune âge aux escapades sylvestres, qui chante en montée. En revanche, déconvenue (quasi) fatale pour sa rousse complice, sprinteuse "redoutable sur de courtes distances" !

Mais les anges veillent dans l'invisible ambiant et les âmes bourgignonnes ne sont pas moins attentionnées. Quant à nos deux camarades, elles s'abandonnent à ce nouveau tempo forcé, et la vie au camp réserve son lot de douces surprises…

 

Au sud, tout est nouveau !


Passé Dijon, la semaine fut un lent crescendo : de la tempête vers l'apaisement, des ténèbres à la lumière, de la marche solitaire au chapelet de rencontres. Il faut dire qu'au début, les trombes d'eau continues décourageaient de la moindre discussion en route ! Toute l'attention est portée sur le chemin boueux, ses fondrières malignes et ses carrefours tout embrumés. Une seule hâte dans cette farce météorologique : l'abri du déjeuner, puis le gîte à l'horizon.


Les trombes pesantes ne privent pas Faustine de son souffle et, les jours passant, les chants se font de plus en plus fréquents. Bérénice prête parfois sa voix aux canons, puis s'efface humblement lors des montées pour laisser à son invincible sherpa l'honneur des solos. Ces longues marches silencieuses rendent encore plus précieuse la parole : divine, aux heures de lectio divina; royale, au moment de trouver sommeil. Faustine a en effet dégoté un roman historique dans une bibliothèque de rue : Dans le lit des reines de Juliette Benzoni. Ces déboires princiers ont alimenté plus d'une discussion passionnée...Sauf ce jeudi soir où, suivant l'habitude, Faustine lisait à haute voix pour Bérénice, qui s'endormit silencieusement. L'oratrice, tout aussi épuisée par la journée de marche, s'interrompt quelques pages plus loin pour une courte pause...et constate alors stupéfaite l'évasion de la dormeuse. Un sursaut enfantin que Bérénice ne se souvenait pas avoir vécu depuis plusieurs années : la pluie a du bon !


Fatiguées oui, mais il ne faudrait pas s'imaginer les deux marcheuses aveugles au charme des pays traversés, les yeux rivés sur le chemin. Aux deux fascinations du début de semaine (Saint Seine l'Abbaye, puis Velars sur Ouche) se sont ajoutés les passages à travers les coteaux : à mesure que les éclaircies devenaient plus fréquentes, et le reportage photo plus régulier, on voyait apparaître de solides bâtisses en pierre et pieds de vigne en légions. Le coeur bourguignon ! L'épopée viticole culminera à Beaune dans des caves hospitalières, mais pour l'instant la simple poursuite du pèlerinage est suspendue : Bérénice vient de s'abîmer les genoux et sa cheville gauche interdit désormais toute marche. On les dépanne en voiture jusqu'au logis d'un couple voisin, qui n'attendait pas si tôt leur venue...


A petits pas vers les grands coeurs

Vous avez vu ? Visiblement, un certain A.Berthon en a fait tout un récit (prophétique). Du coup, vous l'avez sans doute déjà lu : je ne dis rien de l'affaire. Sachez seulement que ce couple d'hôtes réunit un mari, diacre et également médecin généraliste et sa femme kinésithérapeute. Le lendemain, c'est une pharmacienne qui leur ouvre la porte. Puis, le surlendemain, une couple de pharmaciens dont le gendre est chirurgien orthopédiste et la fille médecin. A ce niveau, on peut raisonnablement espérer avoir un archange gardien.


Contrairement à un premier diagnostic inquiétant, les blessures (hygroma et entorse) ne contre-indiquent pas la marche même si elles exigent une courte pause. Sacrifice consenti à la cadence initiale : c'est donc un jour de repos complet, doublé d'un programme réduit les jours suivants. Bérénice portera un bon moment des chevillières et une genoullière baleinée que vous ne remarquerez sans doute sur les prochaines photos !


L'itinéraire est aussi modifié en conséquence : après l'Italie, ce sera l'avion à Venise, puis une cure thalasso et une randonnée gourmande en Crète.


Pas tout à fait, en réalité. 17 km de marche le surlendemain, pour atteindre le carmel de Beaune où sa congrégation de religieuses assure un accueil à la hauteur des évènements. Clin-dieu supplémentaire, comme on dit : le passage d'Evangile offert ce jeudi (en photo ci-dessus) ne pouvait tomber plus à propos. Je vous laisse le (re)découvrir en imaginant les filles le méditer en route, bâton à la main. C'est l'occasion de remercier les hôtes mentionnés dans l'Evangile, mais jamais nommés dans ces lignes hebdomadaires par souci de discrétion. Chaque soir, les deux pèlerines sont davantage surprises par l'ingénieuse délicatesse de vos soins. A chacun son style : de la gaillarde pitance les soirs de découragement à la poétique ballade en voiture à travers vignes; le corps et l'esprit sont tour à tour comblés ! Les pèlerines en ont tiré bien des leçons cette semaine, tant le choc de ces intentions diverses fut profond : ce qui les touche le plus c'est la démesure de cette générosité, comparée à l'ouverture plus réservée, mesurée qu'elles pensent réserver à leurs invités dans leurs vies ordinaires respectives.


Le facétieux saint Benoit, dont l'empreinte bourguignonne resplendit à Citeaux, signerait tout cela. Avant de retrouver nos deux héroïnes, voici un court extrait de la règle de vie dictée aux monastères qu'il inspira. Le tout est tiré du chapitre 53 "Des hôtes à recevoir" :


1 Tous les hôtes qui arrivent seront reçus comme le Christ, car lui-même doit dire un jour : "J’ai demandé l’hospitalité et vous m’avez reçu." (Matthieu 25:35)

2 À tous, on témoignera l’honneur qui leur est dû, surtout aux proches dans la foi et aux pélerins.

[...]

15 Ce sont aux pauvres et aux pélerins surtout qu’on manifestera le plus d’attentions parce que c’est particulièrement en leur personne que l’on reçoit le Christ. Pour les riches, en effet, la crainte de leur déplaire porte d’elle-même à les honorer.


Qui eut cru que la crue croît encore ?

J'allumerai les yeux de ta femme ravie ;

A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs

Et serai pour ce frêle athlète de la vie

L'huile qui raffermit les muscles des lutteurs


Le vin bourguignon tiendra-t-il les promesses baudelairiennes ? Nos deux compères n'ont pas ignoré ce possible remède en tout cas, en acceptant l'invitation d'une famille de vignerons à Demigny. Point de coquetterie, mais un regret légitime cependant : à n'emporter que des survêtements techniques, elles n'ont guère autre chose à se mettre qu'une doudoune pour honorer leurs hôtes et le grand RDV dominical...


Ces derniers jours ont ainsi été l'occasion de grasses matinées (lever à 8h30) pour s'adapter au nouveau rythme : marche nettement raccourcie (15km quotidiens) mais sur un rythme plus rapide. L'accueil au déjeuner est toujours aussi spontané et simple : des personnes seules, des retraités à la maison, des travailleurs en pause déj, les accueillent très volontiers. Parfois, de manière si impromptue que c'en est déroutant! ! Par exemple, cette femme, qui entend le mot "déjeuner" : "J'ai quatre oeufs, une omellette ça vous va ?". Pas une question sur le pèlerinage durant le repas du coup, mais un vif récit de la vie au grand air... Généralement arrivées à destination en milieu d'après-midi, les filles peuvent enfin reposer muscles et articulations et donner libre cours à la lecture et l'écriture, auparavant plus rares. On garde ce tempo jusqu'à l'anniversaire de Faustine, le 21 février, puis on avise...


Dernière annonce logistique : jusqu'ici, l'aide des paroisses traversées a permis de nombreux hébergements grâce au bouche à oreille (merci aux nombreux curés rencontrés pour leur précieux coup de main). Arrivées à présent à la lisière d'un nouveau diocèse, les filles vont certainement galérer quelque peu ces prochains jours à trouver un toit où dormir (hier par exemple, 2h30 de recherche jusqu'à la nuit tombée). Ainsi, si vous connaissez une âme disposée à les accueillir dans la droite ligne vers Ambérieu-en-Bugey, n'hésitez pas à laisser un message : ce ne sera pas délaissé !


A tchô vite,





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